Lectures d’Août
Ce mois-ci, c’est livres pris au hasard (presque) à la bibliothèque. Et de ce fait, il y a de tout : une grosse claque, et une déception.
Rivage de la colère
Caroline Laurent
Ed : Les Escales
Celui-là c’est pour la bonne claque dans la figure. Rivage de la colère raconte l’histoire de Marie-Pierre Ladouceur, habitante de l’île de Diego Garcia dans l’archipel des Chagos. L’archipel en question, fait partie de l’île Maurice, sauf que, lorsque Maurice devient indépendante en 1967, les Chagos, sont vendus aux Anglais. Les Anglais ont un accord avec les Américains pour y installer une base militaire. Et pour cela, ils vont évacuer l’île : en quelques heures, les Chagossiens doivent rassembler leurs affaires, puis sont entassés dans les cales d’un cargo et envoyé à Maurice, où rien n’est prévu pour les accueillir. Ils se retrouvent donc à survivre dans un bidonville insalubre.
Le roman suit en parallèle, Marie Ladouceur, son amant, Gabriel, et leur fils Joséphin qui va aller jusqu’à la cour de justice de La Haye pour faire reconnaître les droits des Chagossiens. À savoir que leur combat n’est pas terminé et qu’à ce jour, si j’ai bien compris, ils n’ont pas eu le droit de retourner sur leur île.
Ce livre a été une vraie claque. D’abord je n’avais jamais entendu parler des Chagos, et découvrir les horreurs perpétrées par l’humain est toujours choquant. Ensuite, j’ai trouvé le roman autour très bien mené. Au départ, Marie ne s’intéresse pas trop à la politique de l’île Maurice, à l’indépendance, etc. Puis petit à petit, elle va comprendre les enjeux pour elle et pour les Chagossiens et décider de se battre.
J’ai moins aimé, les malentendus qui servent à créer la tension autour de l’histoire entre Gabriel et Marie. Il y a déjà suffisamment de choses qui se passent mal, je pense que ça n’était pas nécessaire, mais ça n’est qu’une toute petite partie du livre et ça n’impacte pas beaucoup la lecture au final.
Les passages du voyage de Joséphin pour La Haye, qui sont intercalés dans l’histoire, ne sont pas datés. Au départ c’est déroutant, mais je pense que ça a du sens : l’histoire est toujours en cours malheureusement.
Je recommande chaudement cette lecture qui est un roman prenant et une découverte de cette histoire tragique.
Cantique pour les étoiles
Simon Jimenez
Ed : J’ai Lu
Trad : Benoît Domis
Roman de SF, nominé au prix Locus, j’y suis allée les yeux fermés… Mais c’est malheureusement une déception.
Pourtant il avait tout pour plaire : un univers de space opera bien pensé : l’humanité a quitté la terre et s’est installée sur des stations spatiales, d’où elle exploite différents mondes ressources. Problème : pour voyager ‘rapidement’ d’un monde à l’autre il faut passer par la Poche et les voyageurs qui s’y rendent ressortent avec des années de décalage par rapport aux autres.
Les personnages sont également bien travaillés. Kaeda est un habitant d’un monde ressource qui tombe amoureux d’une voyageuse spatiale. Sauf qu’elle vient une journée tous les quinze ans pour lui, alors qu’elle n’a viellit que de quelques mois. Nia, la voyageuse en question, va se retrouver en charge d’un enfant muet tombé du ciel, qu’une femme mystérieuse lui demande de cacher.
Jusque-là, ça a l’air chouette. Sauf que… Sauf que l’histoire est construite très bizarrement. On dirait plutôt un assemblage de nouvelles indépendantes qu’un roman. 50 premières pages : on suit la romance de Kaeda et Nia, contemplation poétique du vieillissement et de l’éloignement, c’est joli. Et puis, forcément, Kaeda meurt de vieillesse. On suit donc Nia, qui a récupéré le garçon muet.
100 pages plus loin, l’équipage de Nia auquel on avait commencé à s’attacher, et à comprendre les relations complexes de chacun avec Nia, la capitaine du vaisseau, disparaît de l’histoire pour être remplacé par un nouveau. Franchement je n’ai même pas pris la peine de retenir les noms de ces nouveaux personnages.
50 pages plus loin, changement de narration : on passe d’un point de vue focalisé sur Nia, au journal de bord de Sartoris (l’un des nouveaux, le seul intéressant). Il en profite pour nous balancer d’une façon très froide la résolution du mystère du garçon tombé du ciel.
La dernière partie est plutôt sympa, même si ça traîne un peu en longueur sur la fin.
En plus de cette construction bizarre, je n’ai pas compris un seul arc narratif d’aucun personnage en dehors de Kaeda, mais il meurt très vite. La pire étant Nakomi : la scientifique géniale qui a construit les stations spatiales et cherche le garçon, pour finalement, tout faire péter à la fin… sans qu’on sache trop pourquoi.
Ah non pardon, le pire c’est le traître : on ne sait pas pourquoi il trahit, ni pourquoi il regrette d’avoir trahi ensuite…
Tout est un peu résumé par le problème de l’incipit (la première phrase du livre) : « Il était né avec un onzième doigt ». Jusque là très bien : on va parler d’un personnage, qui a une marque physique significative, qui va probablement le distinguer. D’ailleurs la première page confirme cette impression : le 11ème doigt est amputé, le père garde les os comme une relique et en fait un présage d’un grand avenir pour son fils. Bref c’est ok avec l’incipit…
…sauf que non. Le personnage en question c’est Kaeda qui meurt au bout de 50 pages. Non seulement le onzième doigt n’a aucun intérêt par la suite, mais en plus, ça n’est même pas celui du protagoniste de l’histoire.
Bref, je suis complètement passée à côté de ce livre. Maintenant l’écriture est fluide et l’ambiance poétique, donc si juste une atmosphère peut vous suffire à passer un bon moment de lecture je vous le recommande, s’il vous faut une histoire, je vous le recommande moins.
Socialter HS N°16 : Manuel d’auto-défense intellectuelle
J’aime beaucoup le magasine Socialter. Je ne compte pas habituellement les numéro comme des «lectures» du mois, mais les hors-séries sont suffisamment gros pour que ça fasse l’objet d’un article et celui-là ne fait pas exception.
Le thème de ce hors-série est l’auto-défense intellectuelle : en gros comment discerner la langue de bois et s’en protéger, sous la direction de François Bégaudeau.
Les première et deuxième parties sont très chouettes avec des articles rigolos comme les tactiques de défenses ou la définition des figures de style qui permettent de brouiller les messages. J’ai particulièrement apprécié l’article «Deux ou trois choses sur les mots» écrit par François Bégaudeau. Il y explique entre autres choses, que lorsque les médias disent que l’Assemblée Nationale est ingérable, ça ne dit rien de l’Assemblée nationale mais beaucoup sur les médias.
J’ai moins apprécié la 3ème partie qui a un fort goût de «c’était mieux avant». On peut regretter que les réseaux sociaux ne permettent pas de développer des pensées complexes ou que les séries produites à la chaîne signent la mort du cinéma d’auteur mais c’est oublier un peu vite ce que peut apporter internet d’une part (par exemple j’ai découvert plein de très bons vulgarisateurs scientifiques sur Youtube) et ça ne donne pas d’idée pour avancer d’autre part.
Ça reste un bon numéro et de manière générale je conseille fortement cette revue.
Je vous souhaite à toutes et tous une très bonne lecture et je vous dis au mois prochain pour les lectures de Septembre.