Sage-femme
Aujourd’hui j’inaugure une nouvelle forme d’écriture. Juste un instant. Volé entre deux. Une respiration. Un souffle. Un cri peut-être aussi. Bonne lecture 🙂
Les cheveux orage, striés de mèches blanches telle des éclairs. Une cape noire ondulant dans la nuit, ses bottes silencieuses sur les feuilles mortes de la forêt. Elle s’avance entre les arbres, gardienne d’une tradition morte, héritière d’un métier sans âge. Elle n’a pas besoin de lanterne. La chaumière est proche. C’est à peine quatre murs et un toit. Une lumière filtre par la petite ouverture qui sert de porte. Elle entend déjà des cris. Elle se presse.
La femme est là, à même le sol. Elle l’aide à se mettre à quatre pattes. Le bébé arrive. C’est une fille, elle est pleine de vie. Ce n’est pas le cas de la mère. Sa vie s’écoule en flot rouge entre ses jambes. La faim, le froid, la misère l’ont menée là. Il n’y a rien à faire. Peut-être un jour, on saura. Mais pas maintenant. Pas cette fois. La fille deviendra prêtresse.
Elle se rappelle le jour de sa naissance dans les forêts d’un autre monde. C’est sa malédiction. Ce pour quoi elle vit. Elle s’avance dans les décombres d’un bidonville calciné. Ses bottes font crisser les gravats. Le bruit des bombes s’éloigne. Elle passe une porte écroulée. Une femme est allongée par terre. Assoiffée, maigre, les yeux brillants. Elle s’assoit près d’elle, l’examine. La naissance est proche. Elle rassure la femme, l’aide à se positionner. Respirer, trouver son corps. Pousser. C’est une fille. Vigoureuse, elle cherche déjà le sein.
Elle fait boire la femme, lui injecte une solution d’hydratation. Dans sa sacoche, des poches de sang sont prêtes. Elles vivront si elles se battent.
Les cheveux orages, striés de mèches blanches telles des éclairs, elle poursuit sa route. De misères en bonheurs. De décombres en hameaux. Elle garde vivant un métier sans âge. Bientôt on la relèvera. Bientôt naîtra une nouvelle accoucheuse.