Manta #2 Équilibre
Voici le 2ème épisode des aventures de Manta et Ellute. Pour retrouver les épisodes précédents c’est ici :
2. Équilibre Lorsque je me réveille, la nuit est tombée et la lune fait briller mon petit bout de terre. Manta est toujours là, dans l’eau, très proche, je la sens. Je ne sais pas exactement ce qu’elle est, mais nous sommes liées, j’entends nos deux cœurs battre le même rythme, celui des vagues, celui des tempêtes, des abysses, mais aussi de la rivière qui serpente dans les landes et abreuve la vie. Je me relève. Je peux enfin bouger et observer l’état de mon corps. Mes blessures ne sont pas si importantes, la plupart n’étaient que des écorchures. En revanche mon poignet est particulièrement gonflé et douloureux. J’ai l’esprit plus clair aussi. Je me rappelle que j’étais sur la lande. La mer rugissait. Je me suis approchée pour regarder le vide, l’écume blanche au bas des rochers. Et quelque chose, ou quelqu’un, m’a poussé. J’ai plongé. Je regarde la falaise au-dessus de moi. L’ascension ne me semble pas insurmontable et de toute évidence, je ne peux pas rester là. Je commence à avoir faim et froid, et même si je ne me souviens plus de mon nom, je n’ai pas l’intention de disparaître ici. Je pose un pied sur le rocher le plus proche, quand j’entends un bouillonnement derrière moi. Manta ! Je ne peux pas la laisser là. Je me penche vers la mer et y plonge la main. Notre connexion s’affine et je sens qu’elle veut rester auprès de moi. Seulement elle ne peut pas sortir de l’eau, elle est trop jeune encore pour quitter son élément. Je lui envoie en pensée l’image d’un récipient, quelque chose où je pourrais la transporter. Aussitôt elle plonge et revient en poussant, dans un nuage de bulles, une petite conque. Elle me semble minuscule mais lorsque je la remplie d’eau, celle-ci se met à tourbillonner de plaisir. Manta est à l’intérieur. Nous entreprenons donc l’ascension toutes les deux. Enfin, je grimpe en tenant le coquillage d’une main pendant que Manta glougloute à l’intérieur, toute heureuse d’explorer le vaste monde. Je la porte avec mon poignet foulé. Il ne me servirait à rien pour escalader, mais le seul poids de la conque est douloureux. Je manque de glisser plusieurs fois. Je dois m’arrêter à mi-chemin pour souffler, et je tourne alors la tête vers l’océan. Je suis à l’équilibre entre terre et mer. Et je vois se lever une tempête au loin. Manta s’agite, elle sent la fureur des vagues et des vents qui se liguent pour submerger… quoi ? Ils ne savent pas au juste mais l’équilibre est rompu. Nous sommes à un point de bascule, nous pouvons tomber, nous pouvons nous battre, ou nous pouvons tenter d’empêcher la destruction de s’abattre sur ce monde. Je ne sais pas d’où viennent ces pensées, mais elles me martèlent comme des certitudes. Je finis mon escalade et m’affale sur l’herbe rase. Je sais où je suis maintenant, le phare, cette terre plate et nue. Le raz de Sein. L’esprit des roches aussi est présent ici et quelqu’un nous appelle à nous rassembler. Tenant Manta bien serrée contre moi, je me mets en route.
