Art Libre #3 : combien ?
Il y deux semaines je vous ai parlé du droit d’auteur et des licences et la semaine dernière je vous ai expliqué pourquoi j’ai choisi de publier sous licence libre. Aujourd’hui je continue ma série avec une question qui vient souvent après : oui mais si tu veux gagner des sous ?
Mise au point
Déjà avant de commencer une petite mise au point : les écrivain.es ne gagnent pas d’argent avec leur art pour la grande majorité, ou en tout cas pas assez pour payer les pâtes. En 2013 pour environ 100 000 auteurs ayant reçu une rémunération, seuls 5000 sont affiliés à l’AGESSA donc touchent plus de 8649€ de revenus de leurs œuvres[1]source : infographie réalisée par Actualitte. donc 95000 touchent moins que ça. Ça en fait beaucoup qui ont nécessairement un emploi à côté.
Donc oui, il y a quelques auteurs en France qui ne font que ça dans leur vie, enfin dont c’est la seule source de revenu, on est d’accord qu’ils n’écrivent pas 24h/24, mais ça reste un très petit nombre.
Donc entendons nous bien, ici je vais parler de gagner de l’argent avec ses œuvres, mais pas nécessairement beaucoup d’argent. Il y a plusieurs moyens pour cela.
Contrats d’éditions classiques
Le premier, et le plus courant, est le contrat d’édition avec une maison d’édition. Le principe est que vous cédez vos droits d’exploitation à une maison d’édition en échange du versement d’un droit d’auteur.
En général, ce droit est un pourcentage du prix des livres vendus. Le pourcentage qui revient souvent quand les gens parlent des contrats d’édition est autour de 8 %[2]pour savoir où va le reste de l’argent, je vous conseille cet article de Maliki. Donc sur un livre vendu 20€, l’auteur va toucher au mieux 1,6€. Pour arriver à un revenu brut de 2000€/mois il faut donc vendre 1250 livres par mois. Autant vous dire que vous avez intérêt à écrire beaucoup.
Parfois la maison d’édition verse un a-valoir au moment de la signature du contrat, mais ce n’est qu’une avance sur les droits d’auteurs que la ME vous verse tout de suite parce qu’elle pense qu’elle va arriver à vendre au moins tant de vos livres.
Ce qui nous ramène au problème précédent : il est difficile de gagner de l’argent en vendant des livres de cette manière. Par conséquent, certains auteurs se penchent vers d’autres systèmes.
Alternatives
Auto-édition
À commencer par l’auto-édition. Le principe c’est que c’est l’auteur qui devient l’éditeur. L’avantage c’est qu’il reçoit l’intégralité de la vente du livre (après avoir déduit la marge libraire). L’inconvénient c’est qu’il doit faire le travail de l’éditeur : trouver et payer un graphiste/illustrateur pour la couverture, faire les correction pour payer un.e correcteur.ice, trouver et payer un imprimeur, faire la promotion du livre, etc. Éditeur est un métier et franchement c’est pas évident à faire.
Je n’ai pas les chiffres pour savoir si les auteurs passant par l’auto-édition s’y retrouvent mieux financièrement ou pas mais certains ont l’air de le penser.
L’autre avantage de ce système est qu’on a le contrôle total sur son livre, mais j’en reparlerai dans un prochain article 🙂
le mécénat
Enfin certains auteur.ice.s ont choisi encore une autre voie : le mécénat. Évidemment on ne parle pas ici du mécénat à l’ancienne où un noble/bourgeois patronnait un artiste mais du mécénat participatif.
L’idée est que ce sont les lecteur.ice.s qui vont verser une somme, souvent mensuelle, à l’auteur pour soutenir son travail. Cette solution est d’ailleurs parfois (souvent ?) couplée à l’auto-édition.
Le gros avantage ici est que c’est le travail de l’auteur qui est rémunéré et non son patrimoine. Et oui si vous vous souvenez du droit d’auteur, j’avais bien dit qu’il s’agissait d’un droit patrimonial. C’est la propriété d’une œuvre de l’esprit qui est rémunérée et non le travail qu’il a fallu effectuer pour créer cette œuvre. Que l’auteur ait travaillé une semaine ou dix ans, même tarif[3]cette différence est très bien expliquée dans cet article de la Ligue des Auteurs Professionnels.
Les auteurs que je connais qui sont subventionnés par le mécénat, publient en général des œuvres gratuitement sur internet en échange, certains donnant des contreparties supplémentaires à leurs mécènes. Pour cela, ils passent par des plateformes qui permettent l’organisation pratique de tout cela (en prélevant un pourcentage au passage…).
Méthode très alternative
Ce n’est pas, à proprement parler, une méthode puisque ce n’est pas en place aujourd’hui mais je ne peux pas parler de rémunération des auteurs sans parler de salaire à vie.
Je ferai sans doute un article détaillé sur le sujet mais en gros le principe du salaire à vie c’est que les entreprises dans leur ensemble cotisent à une caisse de salaire chargée ensuite de verser les salaires en fonction de la qualification des gens. Le salaire est alors décorrélé de l’emploi. Pour un résumé un peu moins résumé je vous invite fortement à voir cette vidéo d’Usul[4]source : Mes chers contemporains.
L’avantage de ce système est, comme le mécénat, qu’il permet de rémunérer le travail des auteur.es et non leur patrimoine. L’inconvénient est qu’il reste encore à mettre en place !
Conclusion
Il y a donc plusieurs manières de gagner de l’argent lorsque l’on est auteur.ice. Et vous avez remarqué que je n’ai pas parlé de licence libre ici. C’est parce que toutes ces méthodes sont valables quelque soit le niveau d’autorisation que vous accordez pour votre œuvre, droit d’auteur classique ou licence libre. Il existe des éditeurs[5]Framabook en particulier, qui publient des œuvres sous licence libre avec un contrat d’édition assez standard.
Pour ma part, j’ai choisi, pour mes œuvres libres, une méthode alternative : l’auto-édition, mais je vous en reparle dans une prochaine série d’articles.
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References